Peu de Hauts-Alpins ont rejoint la Milice française, rejetée par la population. Pour l’Embrunais, la Milice est casernée à Montdauphin. De nombreux Miliciens finirent exécutés ou tués dans les combats.
Fondée pour chasser les Résistants et les « déviants », la Milice française multiplie les exactions auprès de la population. Elle est largement rejetée par les Français. Dans le département des Hautes-Alpes, le 26 juillet 1946 est une journée noire pour la Milice, avec l’embuscade des Eaux-douces et la bataille du plan de Phasy. En 1 journée, une bonne partie de ses effectifs est anéantie par la Résistance.
La Milice sur le plan national
Créée en janvier 1943, le régime de Vichy donne plusieurs objectifs à la Milice :
- Être une police politique pour accompagner la Révolution nationale. Devenir le Parti unique français, à l’image du Parti National-Socialiste des travailleurs allemands connu sous le nom de parti nazi.
- Combattre la Résistance. Supplétifs de la Gestapo, les Miliciens sont actifs dans la chasse aux « déviants » : Juifs, communistes, Francs-maçons, homosexuels, réfractaires au STO…
La Milice est constituée de citoyens mobilisables. Son bras armé est la Franc-garde permanente, qui sera encasernée à Montdauphin pour l’Embrunais.
La Milice au niveau national
Voyons comment cela se passe au plan national avant de nous focaliser sur les Hautes-Alpes :
Pour constituer ce fer de lance de la Révolution Nationale, le fondateur de la Milice, Joseph Darmand, compte sur les plus fidèles du Maréchal Pétain, les combattants de la Première Guerre mondiale. Ils vénèrent celui qui a battu les Allemands à Verdun et qui a su écouter la troupe.
Mais le 30 octobre 1940, Pétain rencontre Hitler à Montoire. Le discours qu’il fait ensuite créée la première fissure :
Le Maréchal annonce qu’il entre dans la « voie de la collaboration ». Des liens vont commencer à se distendre. Chez les anciens poilus, la haine de l’Allemand est plus forte que le culte du chef.
La Milice n’attirant pas, le recrutement n’est pas regardant sur la qualité des recrues : « beaucoup de jeunes marginaux, désœuvrés, chômeurs, paumés, pour beaucoup embarqués dans la Milice par l’appât du gain et le désir d’aventure, sans avoir de réelles motivations idéologiques » résume une étude sociologique d’après-guerre (1).
Si à ses débuts, la Milice s’attaque au marché noir pour redistribuer aux plus pauvres (la Révolution Nationale est anticapitaliste), cela ne dure pas longtemps. La composition de la Milice, son sentiment de toute puissance et d’impunité, la culture de la violence prônée par son chef Darmand, l’amènent sur la voie des exactions : vols, viols, extorsions de fonds. Elle terrorise la population. (1)
La Milice s’engage activement dans la chasse aux réfractaires au Service du Travail Obligatoire. 200.000 jeunes refusent le STO. et leurs familles sont directement touchées par cette répression. La Milice est largement haïe par les Français. Plus les Miliciens sont marginalisés, plus ils deviennent violents.
Les familles des Miliciens sont aussi rejetées. Souvent leurs enfants ne vont plus à l’école.
Entre assassinats, attentats, combats et exécutions sommaires, 10 % des Miliciens français sont tués. (1)
Exécution d’un Milicien à la Libération à Grenoble. Photo colorisée à partir d’un document Life
La Milice dans les Hautes-Alpes
Pour comprendre la dimension du rejet de la Milice Française, suivons sa création dans les Hautes-Alpes :
Le 29 août 1940, le Maréchal remplace l’association des Anciens Combattants de la 1ère Guerre mondiale (AMAC) par la Légion des Combattants. Pour les poilus de la Grande guerre, le Maréchal Pétain est le vainqueur de Verdun (1916). Il a défendu la France contre les Allemands.
Par fidélité, 8.000 anciens combattants hauts-alpins rejoignent cette organisation. Ils sont 3.000 rassemblés, le 21 juin 1941, place de Verdun à Gap, devant 800 jeunes des mouvements de jeunesse et 4.000 spectateurs, pour prêter serment au Maréchal Pétain (2)
En été 1941, Joseph Darmand crée le Service d’Ordre Légionnaire (SOL) force de maintien de l’ordre en uniforme. Ils ne sont que 350 dans le département à rejoindre le mouvement (2).
Les prémices de la Milice
En février 1943, le SOL se transforme en Milice. Seule une quinzaine de personnes entre dans la Milice qui comptera 32 éléments dans le département grâce à des renforts extérieurs parfois marseillais (2). On ne sait pas s’il y a des Légionnaires parmi les Miliciens.
Les exécutions de Miliciens par la Résistance, l’hostilité des voisins, le vent de la victoire qui tourne, conduiront à la démission des plus tièdes.
Pour garder des recrues, la Milice n’hésite pas à menacer de représailles la famille, en cas de désertion, comme pour Aimable Eyme de Châteauroux. Il restera à la Milice contre son gré pour préserver sa mère et sa sœur. Le jeune René Tiran (frère de Maurice Tiran) de Pontis sera enrôlé contre son gré dans la Milice. Son manque de coopération lui vaudra de mourir en déportation.
Après le débarquement allié, la Milice décrète la mobilisation générale. À Gap, elle ne réunit pour l’ensemble des départements des Basses et Hautes-Alpes que 2 Dizaines (groupes de combat) de Miliciens, curieux mélange d’idéaliste et d’individus moins recommandables, note Henri Béraud (2).
Casernés à Montdauphin.
Témoignage de Joseph Feuillassier et Joseph Hodoul (3) :
En avril 1944, les Miliciens (une trentaine [soit une petite section]) sont venus habiter à Montdauphin avec leurs familles. Ils logeaient dans le pavillon des officiers (de l’horloge) et dans quelques maisons individuelles.
Eux non plus ne fréquentaient pas la population et leurs enfants n’allaient pas à l’école. Avec eux, la vie est devenue difficile. Ils faisaient de nombreux contrôles, ont molesté le facteur et se sont livrés à des intimidations sur les jeunes filles.
Drôle d’ambiance dans un fort qui finira assiégé, avec des Allemands qui se méfient des soldats polonais prêts à les trahir, et qui méprisent les Miliciens.
Le 26 Juillet 1944, avec l’embuscade des Eaux-douces, 2 Miliciens sont tués à Savines et 7 sont faits prisonniers puis exécutés (dont Aimable Eyme). Le même jour lors de la bataille du plan de Phasy, ils ont 2 tués et 2 blessés. Compte-tenu de ses faibles effectifs, les pertes de la Milice avec ses Francs-gardes sont dans les Hautes-Alpes bien au-dessus de la moyenne nationale.
Dessins de Bernard Brabant
Mise à jour le 25 septembre 2020
- L’embuscade des Eaux-douces à Savines
- La bataille du plan de Phasy
- Aimable Eyme, jeune Milicien exécuté à Crots
- Maurice Tiran, jeune résistant tué lors de l’embuscade des Eaux-douces à Savines
- La France de Vichy
- (1) Wikipédia la Milice française
- (2) La Seconde Guerre mondiale dans les Hautes-Alpes et l’Ubaye de Henri Béraud
- (3) 1940-1945 Le temps du refus Meyer-Moyne, Olivero, Feuillassier, Moyne